Idomeni -Grèce : 11’000 personnes bloquées à la frontière
Retour difficile. Des milliers de pages seraient nécessaires pour vous raconter les histoires de chacune des personnes rencontrées. Pour vous dire à quel point elles nous ont touchées… Idomeni. Ou comment la normalité se mêle à la survie et à l’inhumain. Des milliers de familles entassées. Dormant dans des tentes à même le sol dur d’une gare désaffectée, entre les rails, dans les champs de terre asséchée. Partout où l’on regarde, des tentes, des enfants, des bébés, des femmes, des personnes âgées. Ici abandonnés par l’Europe qui leur a fermé sa porte. Comment ne pas réagir au désespoir de ces familles ? Comment ne pas baisser les bras face à notre impuissance à les aider tous ? Cela fait maintenant 6 mois que nous avons démarré nos convois. Pensant naïvement que c’était provisoire, pour faire « tampon-relai » avant que les autorités gèrent cette situation de manière humaine. Plus le temps passe, plus les choses se dégradent en réalité. Le combat ne fait que commencer. Mais lorsque vous êtes face à cet archéologue et son sourire si doux, sa femme tellement gentille et accueil
lante et leur bébé, leur nièce dont le père est en Allemagne et qui l’attend. Et qui malgré toute cette situation vous ouvre leur « maison » et partage avec vous tout ce qui leur reste. Face à cette grand-mère en chaise qui vous envoie des becs durant dix minutes parce que vous lui avez donné une crème pour le corps qu’elle pourra mettre sur sa peau desséchée. Face à cette ado qui saute de joie car vous lui donner une brosse à cheveux et du shampooing… Tout ça en vaut la peine.
Au milieu de cette foule, durant les distributions de tente à tente, notre chemin a croisé celui d’une femme et de son bébé. Elle nous raconte sa traversée enceinte et son accouchement dans le camp de Lesvos. Elle nous demande de la prendre en photo et de montrer au monde ce qu il se passe ici… Coincée dans ce camp avec son bébé de 20 jours ! A dormir dans une petite tente deux places avec son mari et leur bébé, sur un quai de gare. Sans espoir pour la suite. Sans informations. On y retourne la semaine prochaine avec l’espoir qu’ils ne seront plus là. Ce qui voudrait dire,peut-être, que leur demande d’asile en Grèce aurait abouti.
Comment l’Europe peut-elle continuer de fermer les yeux sur la détresse de ces humains et se reposer sur l’accord avec la Turquie ?
Parce que nous n’accepterons jamais, qu’ici et aujourd’hui on puisse traiter des êtres humains de la sorte. Que nos gouvernements puissent laisser mourir à petit feu des personnes qui fuient la guerre et les conflits. Qui tentent de sauver leurs familles et se retrouvent dans des situations humaines, sanitaires et sécuritaires catastrophiques. On ne lâche rien. Le coeur est lourd et rempli de colère mais pour eux, nous continuerons à dénoncer ce qu’il se passe là-bas et ailleurs. Love humansnation.
Retour à Idomeni – 8’000 personnes toujours bloquées
Mai 2016
Début mai, nous sommes retournés à Idomeni 3 semaines après notre premier voyage là-bas. L’objectif cette fois-çi est de distribuer des petits bracelets pour les enfants, permettant aux parents d’y inscrire leur numéro de téléphone afin d’éviter des séparations dues à la grandeur des camps et au nombre de personnes. Imaginez-vous avec vos petits, devant faire des files de plusieurs heures, pour manger, pour se laver, pour voir un médecin. Il suffit d’un mouvement de foule pour que vous soyez séparé et ensuite difficile de refaire le lien.
Depuis le début de cette crise, des milliers d’enfants ont disparu sur la route des balkans… Si ces bracelets peuvent permettre ne serait-ce que d’en sauver un seul, alors ça vaut le coup d’essayer.
Katja s’est rendue seule à Idomeni avec la difficile tâche d’expliquer aux parents le but de ces bracelets. Muni de petit papier écrit en arabe et en farsi, les après-midis ont été destinés à cette tâche. De tente en tente, expliquer, discuter et finalement le résultat a dépassé toutes nos espérances ! Les parents ont été ravis de l’initiative et les enfants heureux de leur petit barcelet joli.
Les matinées étaient dédiées à la collaboration avec le Team Banana afin de distribuer des bananes aux enfants du camp. Comme toujours des moments de rires, de sourires chaleureux et de tristesse infinie. Comment ce petit Mustafa, 11 ans, peut-il dans cette situation garder un sourire si lumineux ? Et cette joie de pouvoir aider dans la distribution sans rien attendre en retour ?
Durant cette semaine nous avons payé la distribution de bananes pour 3 jours, distribué des vêtements, de la nourriture, des produits de douche, shampoings, ciseaux à ongles, etc. et aussi les bracelets. Et un ballon de foot pour le petit Mustafa. Et je vous jure que son sourire n’a pas de prix.
Idomeni – Grèce – Mai 2016